Poème pour les bébés de Palestine et d’Israël



Le 1er novembre 2023, sachant sa vie ainsi que celle de ses proches en péril, Refaat Alareer, poète et professeur de littérature de Gaza publie sur les réseaux sociaux ce qui sera son dernier poème, commençant par ces mots : 

S’il est écrit que je dois mourir 
Il vous appartiendra alors de vivre 
Pour raconter mon histoire 
Pour vendre ces choses qui m’appartiennent 
Et acheter une toile et des ficelles 
Faites en sorte qu’elle soit bien blanche 
Avec une longue traîne 
Afin qu’un enfant quelque part à Gaza 
Fixant le paradis dans les yeux 
Dans l’attente de son père 
Parti subitement 
Sans avoir fait d’adieux 
À personne 
Pas même à sa chair 
Pas même à son âme 
Pour qu’un enfant quelque part à Gaza 
Puisse voir ce cerf-volant 
Mon cerf-volant à moi 
Que vous aurez façonné 
Qui volera là-haut 
Bien haut 
Et que l’enfant puisse un instant penser 
Qu’il s’agit là d’un ange 
Revenu lui apporter de l’amour 
S’il était écrit que je dois mourir 
Alors que ma mort apporte l’espoir 
Que ma mort devienne une histoire 

Refaat Alareer, tué par un bombardement israélien, décédé dans la nuit du 6 au 7 décembre 2023. 

Ce poème est bouleversant, écrit dans l’encre de l’existence d’un universitaire, poète et militant ayant grandi à Gaza. Le poème, écrit en anglais, voyage désormais dans d’autres langues et court sur les fils de notre toile web. 
Il est arrivé dans ma boîte mail et j’ai souvent écouté la version musicale en français https://lecafedesvallees.fr/index.php/post/%C2%AB-S%E2%80%99il-est-%C3%A9crit-que-je-dois-mourir...-%C2%BB-%28Refaat-Alareer%29-mis-en-musique-par-HK. 

 Ce poème est écrit à un moment tragique de l’histoire palestinienne, mais aussi de l’histoire des Hébreux, de notre histoire. Il n’appartient désormais plus à son auteur, il s’est installé dans mes pensées en une longue méditation sur les bébés de Palestine, les bébés d’Israël et de tous les bébés, nés ou à venir dans notre époque marquée par des guerres. 

 La voix du poète nous invite à vivre pour raconter l’histoire de ceux qui ont disparu, écrasés par la cruauté du monde, terrorisés et impuissants devant les armes dévastatrices. De ceux aussi, héros connus ou inconnus qui ont œuvré pour un monde meilleur. Le tissage de ces histoires deviendra les toiles futures de nos habits narratifs appelant à l’harmonie. 

 La voix du poète disparu envoie un message spirituel d’espérance : l’ange n’est-il pas une créature appartenant aux religions monothéistes : musulmane, juive et chrétienne ? N’est-il pas un messager, et aussi un compagnon qui accompagne chaque humain dès sa naissance ? 

 Ce poème engage à l’espoir pour tous les bébés de cette région du monde : que la mort tragique et scandaleuse des hommes et des femmes se transforment en histoire de paix à construire, grâce aux anges du ciel.

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