Coeur nègre sous la peau blanche : hommage à Lilyan Kesteloot


 



Lilyan Kesteloot. Femme au cœur de la négritude Ari Gounongbé L’Harmattan, 2021


 Ce livre est un hommage magnifique, respectueux et sans concession d’une femme, Lilyan Kesteloot par son ami Ari Gounongbé. Pourquoi une femme belge, blanche, s’est elle passionnée en pionnière pour la littérature de la négritude, au point d’en avoir fait le sens de sa vie ? 

 Ari G. avait déjà raconté sa recherche et sa rencontre avec cette femme universitaire qui a connu intimement des hommes devenus célèbres : Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Cheikh Anta Diop, Frantz Fanon, Hampaté Bâ. Des portraits vivants et précieux nés de leurs échanges (Kesteloot et Gounongbé, 2007). 

 Lilyane K. est morte en 2018 et son ami a écrit ce livre, comme l’aboutissement d’une relation affectueuse. 

 Ari avait proposé à Lylian le projet d’une écriture sur sa vie et l’on sent combien ce projet fut compliqué car la chercheuse ne se livrait pas facilement : se méfiait-elle de la démarche de Ari psychologue ou bien était elle peu disponible à la démarche introspective ? Le sel de ce livre est justement dans le regard et l’écriture qui, respectant les silences de Lilyan, ne se prive pas d’hypothèses psychologiques pour en éclairer les mystères. 

Car c’est bien un portrait en clair obscur qui nous est donné. Il y a Lylian K. dont la biographie publique et les témoignages d’écrivains révèlent l’étendue de ses recherches et de son engagement sans faille dans la littérature africaine ; il y a une femme, née dans le « ventre » du Congo colonisé, qui va sacrifier sa vie de mère et d’épouse, négliger ses devoirs de fille, par amour pour l’Afrique. Il y a cette spécialiste universitaire de la négritude, il y a la passeuse persévérante des mots de l’Afrique. L’amour est le seul moteur de cette femme qui, de la vie ségréguée du Congo Belge, va rêver, non sans une déception amère, d’une Afrique reconnue pour sa littérature et sa spiritualité. 

 Ari G. se dit non-spécialiste de l’œuvre de la disparue, mais en fermant ce beau livre, on a envie de la lire et de ressentir la fièvre de sa quête. Défendre la littérature pour lutter contre la ségrégation, est-ce cela la participation de Lilyan K. à l’ubuntu (Mot de l’Afrique du Sud, qui pourrait être traduit par fraternité et qui est un des mots de conclusion du livre d’Ari Gounongbé) ? 

 La revue L’autre a eu la chance de publier Ari Gounongbé (2008) et je me souviens avec gratitude et fierté que Lylian Kesteloot avait accepté avec simplicité d’écrire sur Aimé Césaire (2010) pour un ouvrage que j'ai dirigé. 

Bibliographie 


 Kesteloot, L., Gounongbé, A. Les grandes figures de la négritude-Paroles privées. L’Harmattan, 2007. Gounongbé, A. Le psychologue et sa culture : contre-transfert dans la clinique. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2008, volume 9, n° 1, pp.81-99 
Kesteloot, L. Césaire et les ambiguïtés du métissage. Vivre c’est résister. Textes pour Germaine Tillion et Aimé Césaire. Mestre, C. Asensi, H. Moro MR. (dir) La Pensée Sauvage, 2010, pp.189-193.

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