Les parias de l'Europe


Lundi je suis allée à une réunion au ministère de la santé. Sous l'initiative de Mme Buzyn, des associations et des équipes sont auditionnées dans le but de soutenir des projets pour l'accès aux soins des migrants, autrement dit pour l'accès aux soins de tous les exilés arrivant sur le sol français.
L'écoute des initiatives associatives et institutionnelles à l'égard des exilés est très intéressante et instructive. Nous sommes en France et les sigles ne manquent pas même dans ce domaine : PASS, EMPP... et autour de la table les institutionnels de l'Etat : DGOS, ARS, etc. Bien, tout le monde semblait en harmonie et bien conscient des enjeux qui existent autour de la santé des migrants : leur accueil est tellement mauvais, que cela rajoute à toutes les autres blessures qu'ils ont subies dans leur pays et sur la route de l'exil.
Plusieurs choses attirent mon attention dans ce domaine que je connais bien puisque c'est notre labeur quotidien : accueillir pour soigner psychiquement les exilés. Un diagnostic revient très souvent dans la bouche de ces experts : PTSD, autrement dit l'expérience de l'exil tend à disparaître derrière ce diagnostic qui désigne un (des) traumatisme(s). C'est un peu court, et cette case ne rend pas compte de l'expérience de l'exil et des très nombreux obstacles qu'il faut franchir pour arriver à se fixer quelque part.
Je me suis rendu compte également que, sur Paris, des groupes de migrants se dessinent ayant des parcours et des expériences très divers. L'un d'entre eux m'inquiète particulièrement : c'est le groupe des hommes jeunes venant d'Afghanistan, du Soudan, et plus rarement de la Syrie... ils sont souvent sans papier ou "dublinés" ou déboutés du droit d'asile en Allemagne. Les moyens alloués aux associations qui s'en occupent sont pauvres, ce qui fait que des salariés dans la précarité et la débrouille s'occupent de migrants exposés au risque de l'errance et de la grande marginalité. Ceci est très inquiétant. Il faudra absolument avoir en tête ce qu'ils vont devenir s'ils deviennent les parias de l'Europe... Que produisent le désespoir et l'humiliation ?
Nous assistons à un manque d'imagination politique pour accueillir une population démunie, dont la migration est aussi sûre que la révolution des planètes. Nous assistons tout aussi sûrement à une étiquetage des migrants : administratif, social, médical qui laisse sur le tapis ces jeunes hommes dont le destin n'est pas très rassurant. Mais les femmes, direz-vous... j'en reparlerai bien sûr, car l'équipe que je dirige planche sur ce sujet...

Commentaires

  1. Ici, dans mon coin, nous sommes un groupe de bénévoles ( constitués en asso) à accompagner des jeunes soudanais, afghans et autres dans l'apprentissage de la langue, sans autre moyen public qe la mise à disposition des communes de locaux d'hébergement...Leur avenir nous préoccupe beaucoup, car pas mal de déboutés. Ce qui me touche le plus, c'est le constat de ces souffrances et traumatismes très peu exprimés, donc pas nécessairement pris en compte. L'impression de passer à côté de l'essentiel. Et de ne pas aider vraiment. Et pourtant, que d'espoir et de forces vives en attente!
    Tout le monde a besoin d'un vrai plan pour cette population dont on se demande en effet le devenir...
    Merci Claire d'être aux avant-postes de ce combat.

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  2. Que vont-ils devenir ? On peut bien l'imaginer, mais la réalité finira pas s'imposer dans toute sa violence. J'ai croisé à plusieurs reprise à Calais, un enfant de 10 ans afghan. Bien qu'il soit entouré par sa communauté il n'a pas de famille. Chaque nuit il dors dehors, chaque jour il fait face à la violence et à la nécessité de survivre. Que va-t-il devenir ? Comment un enfant peut-il se développer physiquement, intellectuellement et surtout émotionnellement dans un tel contexte ? Je ne peux que l'imaginer, et ce que j'imagine ne me plait pas beaucoup.

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    1. Vous avez raison Clara, cette vision est intolérable, nos politiques n'ont aucune imagination pour prévenir le pire. Il ne reste qu'à la société civile à intervenir, recevoir, aider...

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