Bakhita en roman

Décision prise... oui, peut-être. Commencer à écrire ou plutôt écrire comme on jette une bouteille à la mer, à l'arraché, entre deux activités, dans les interstices du temps qui passe, à un autre inconnu !

Cette semaine je suis allée écouter l'écrivaine Véronique Olmi, intriguée par le titre de son dernier livre. Je reviens du Tchad et quand j'y suis (15 jours en janvier depuis quelques années) je vais à la paroisse d'Evelyne, placée sous la protection de Ste Bakhita. J'aime y aller pour plusieurs raisons : les messes y sont de véritables spectacles, les gens dansent et vous font danser... un portrait de Bakhita surplombe l'assemblée, je suis à chaque fois éblouie par une forte impression de beauté et de bonté. Pour une sainte, cela paraît normal, mais c'est une sainte à la peau foncée...
Véronique Olmi raconte comment elle a passé deux ans entre l'Italie à Rome, où sont les archives de Bakhita, et la France, habitée par la présence de cette femme, d'abord razziée dans son Darfour natal pour devenir esclave, rachetée par un consul italien, devenue religieuse en Italie, puis déclarée vierge et sainte par l'Eglise de Rome.
Bakhita dans les mots de Véronique Olmi, femme élégante et un brin précieuse : c'était passionnant. Cette femme soudanaise morte dans l'après guerre a traversé une vie de violences et de révélations, de passions douloureuses. Racontée par l'écrivaine, qui expose ses questions, ses recherches, sa quête des mots pour se mettre à juste distance de Bakhita, (qui avait peu de mots dit-on), pour raconter sa vie, ses émotions, sa mémoire meurtrie, ses non-dits, mais aussi sa joie et son espérance : c'était captivant. J'ai acheté le livre et partagé quelques mots avec l'assemblée de lecteurs présents et Mme Olmi. Je suis surprise et affectée par les résonances des mots de Véronique Olmi : ils évoquent les horreurs de l'esclavage et du racisme d'alors, mais aussi ceux de maintenant. Ils sont les mêmes que ceux que j'écoute dans mes consultations de ceux qui ont quitté le Darfour ou qui ont traversé le désert.
Bakhita a son corps défendant est une histoire contemporaine, qui interroge plusieurs domaines de notre modernité : le corps des femmes noires, la servitude, la mémoire bafouée, la sublimation, la religion, et le relents de cette histoire qui ne finit pas.  J'ai commencé à lire le livre, et j'en aurais certainement à en dire et écrire plus tard.

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