La migration des femmes, sujet peu exploré jusqu’à présent (sur le plan scientifique et médiatique), a toujours existé, cependant qu’elle augmente actuellement . La migration des femmes n’est pas seulement constituée par le regroupement familial mais aussi, et de plus en plus, par un projet d’autonomisation dès leur pays d’origine . Les femmes sont cependant plus vulnérables que les hommes dans les trajets migratoires et lors des modifications environnementales. Il nous faut donc articuler la notion du genre à la vulnérabilité : les femmes sont plus vulnérables du fait qu’elles sont femmes. Pour la sociologie actuelle, le genre (au singulier) est un concept, une grille de lecture, qui permet d’analyser des interactions sociales, les normes et les rôles assignés aux individus, où les femmes peuvent être dans une situation d’inégalité.
Ainsi, elles sont plus exposées à la domination, à l’exploitation, à la violence sexuelle de leur pays d’origine au pays d’accueil, plus exposées également aux modifications environnementales.
De plus les femmes font des enfants, dont elles sont les caregiver – terme venant de la psychologie désignant les aidants, ceux qui prennent soin- exclusifs le plus souvent. Elles vivent des situations exceptionnelles de situations à hauts risques de souffrance psychique, elles et leurs bébés.
Dans les soins psychiques des femmes, il nous faudra évaluer le continuum de violence s’exerçant sur la vie des femmes, leur corps et leur psyché, des souffrances qui, parfois, durent toute une vie et ont des répercussions sur leur progéniture.
Les symptômes de souffrance psychiques des femmes migrantes sont non spécifiques mais très fortement reliées à leur parcours migratoire et aux violences cumulées. Leur charge mentale, la grossesse, sont des facteurs qui aggravent une souffrance psychique présente.
Ethnotopies « Les lieux des autres »
Ma réflexion part des soins psychiques pluridisciplinaires et groupaux qui sont offerts aux femmes victimes et survivantes au sein de la consultation transculturelle du CHU de Bordeaux ; elle s’inspire aussi des ateliers à médiation culturelle et artistique prodigués aux populations ciblées par l’association Ethnotopies. Les femmes exilées et leurs enfants font l’objet de soins et de prévention dans les divers ateliers proposés.
Ces soins, au sens du care, le prendre soin, tient compte de la vulnérabilité des femmes migrantes lors de leur grossesse et l’accueil de leurs nouveau-nés .
Ma réflexion part aussi de séminaires partagés avec le groupe de psychologues de l’association Grapa (Groupe de réflexion anthropologique et psychologique d’Abidjan) avec qui j’ai pu élaborer et comprendre comment les femmes pouvaient se rebeller contre des violences traditionnelles, sexuelles et toutes violences contraires à leur dignité. La migration est certainement une issue trouvée pour en échapper .
Pour que mon propos puisse concerner les migrations féminines dans leur ensemble, je prends le parti d’une analyse ancrée dans le contexte actuel incluant les problématiques environnementales au sens large.
Une analyse globale de la migration féminine
Ainsi, il nous faut, inscrire la santé psychique (et intégrale) des femmes migrantes dans un contexte global qui inclut la situation de leur pays d’origine, les migrations, puis l’arrivée en France.
Les inégalités de genre, les violences genrées- mariages forcés, excisions et autres mutilations corporelles, viols de guerre-, sont des causes migratoires des femmes réclamant leur autonomisation, l’accès au savoir, à des droits universels : l’égalité, l’éducation et l’instruction, la santé, la liberté, l’emploi… pour elles et leurs enfants.
On ne peut donc séparer les modifications environnementales – transition écologique, catastrophes naturelles, états de guerre retentissant sur l’environnement –, des questions sociale et économique ; ni des questions de la protection internationale et de la justice sociale.
Liens entre modifications environnementales et conditions féminines
Un rapport récent du conseil économique, social et environnemental (CESE) fait le constat accablant des liens entre inégalités de genre, crise climatique et transition écologique . Il démontre bien le lien entre le genre et le changement climatique.
Ainsi, les femmes sont les principales victimes des catastrophes climatiques comme au Bengladesh ou 90% des victimes du cyclone de 1999 étaient des femmes.
(Ce constat vaut aussi pour la France, puisque en 2010 lors de la tempête Xynthia, les femmes victimes étaient sur représentées.)
Le fait qu’elles soient économiquement plus fragiles, plus dépendantes de revenus de la terre, les rendent plus exposées aux désordres climatiques.
Ce constat est également celui d’une étude publiée en 2023 dans la revue International Social Work.
Ces investigations associent inondations, sécheresses, cyclones ou appauvrissement des sols et taux de mariages d’enfants précoces et forcés.
Au Bangladesh, les années où une vague de chaleur a duré plus de trente jours, le nombre de mariages de filles de 11 à 14 ans a augmenté de 50 %. Dans certaines parties de l’Ethiopie, le mariage forcé a augmenté en moyenne de 119 % en 2022 durant la sécheresse la plus grave que le pays ait connu depuis quarante ans. Il en résulte des grossesses précoces risquées avec son lot de mortalité et de morbidité.
Les violences de genre – privations des droits, viols, traites humaines- sont plus élevées lors des changements climatiques. Par exemple, les femmes doivent parcourir plus de distances à pied pour l’accès aux ressources, les exposant à la prédation sexuelle.
Les mariages forcés augmentent pour des raisons de revenus économiques quand la famille de la future mariée reçoit une dot de la famille du futur marié ; or l’on sait que les violences intrafamiliales augmentent en cas de mariages forcés.
La charge environnementale des femmes augmente la charge mentale, du fait qu’elles doivent en plus gérer le foyer et les enfants.
A titre d’exemple :
-En République Démocratique du Congo
Les violences sexuelles sur les femmes sont des armes de guerre, (comme le viol des femmes ukrainiennes par les membres de l’armée russe).
Il faut aussi inscrire les violences sexuelles des femmes dans des contextes fortement désorganisés comme dans le Kivu (RDC), où, à la guerre entre différentes factions armées, s’ajoute la prédation pour des ressources minières qui font fi du respect des vies humaines.
Le prix Nobel de la paix en 2018, Dr Mukwege Denis , a pu mettre en lumière l’énormité des atteintes sexuelles des femmes, et leur nécessaire prise en charge globale : chirurgicale, sociale et psychologique.
-En Afghanistan
En plus de la situation politique (gouvernement par les Talibans), l’Afghanistan est particulièrement menacé par les changements climatiques, ces deux aspects politiques et climatiques se conjuguant .
Les habitants dépendants de l’agriculture en font particulièrement les frais. Les femmes afghanes, privées de leurs droits : de travailler, d’avoir accès à l’éducation, soumises de plus en plus à des mariages forcés, se suicideraient plus .
Exemple des mutilations sexuelles
La France a voulu être très active dans la lutte des mutilations sexuelles sur son territoire (60000 excisions en 2019) .
Il en a résulté une augmentation de la demande de protection internationale des femmes étrangères venues en France. Les femmes et les mineures représentent entre un tiers et 40% des personnes qui demandent l’asile en France, venant de pays comme la Guinée .
Ce pays, très fortement marqué par les inégalités de genre, par la forte présence de l’excision pour les femmes, fait face à des modifications climatiques qui aggravent ces inégalités.
Or, les mutilations sexuelles sont souvent reliées aux autres violences genrées : mariages forcés, violences domestiques, défaut d’accès aux droits et à l’éducation, privation de toute sorte.
Les incidences psychiques du continuum de violence
La santé psychique des femmes migrantes génère peu de recherches. Celles qui existent montrent de façon récente les multiples dangers auxquels les femmes sont exposées, leur particulière vulnérabilité surtout dans la période périnatale.
Sur le plan clinique nous percevons bien combien leurs symptômes psychiques s’inscrivent dans des contextes de vie très vulnérabilisants et dans un continuum de violences.
Les violences des chemins migratoires
Les femmes décident de migrer pour améliorer leur sort et ceux de leurs enfants. C’est d’ailleurs un argument que l’on entend souvent dans les propos de nos patientes : « La France est le pays des droits de l’homme, elle défend les droits des femmes ». Or, souvent elles empruntent des chemins très dangereux les exposant à toute sorte de violences, sexuelles notamment (pour les hommes aussi mais dans une moindre mesure).
La question de ces chemins migratoires doit aussi s’inscrire dans les modifications des frontières sous l’influence de la politique internationale dont celle de la France .
En conséquence, nombre de femmes migrantes demandant des soins physiques et psychiques ont été victimes de violences sexuelles au pays qu’elles quittent et sur les chemins migratoires.
Dans les associations spécialisées comme l’association Primo Levi , et le Comede (Comité pour la santé des exilés), les femmes demandant des soins pour des troubles psychiques graves ont fréquemment des antécédents de violences liée au genre : nous, praticien.nes, faisons la même observation. Les violences liées au genre pour le Comede sont plus fréquentes chez les femmes venant de l’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Guinée, Sénégal).
Les incidences psychiques révélées en migration
Le continuum de violence induit des troubles psychotraumatiques et notamment des troubles post traumatiques complexes. La violence accumulée se poursuit sur le sol français et bouleverse les conditions de naissance de leurs enfants et de leur santé mentale.
- Ainsi, une étude récente parue en 2023 dans le Lancet , réalisée en France (Marseille) démontre que les femmes ayant subi des violences sexuelles avant leur arrivée sont encore plus exposées dès leur arrivée à France surtout si elles ne sont pas protégées contre la vie à la rue. Ceci confirme l’accumulation de la vulnérabilité et l’enchaînement des atteintes corporelles et psychiques.
-L’association de tous les facteurs aggravant (l’exposition aux dangers environnementaux, la détresse sociale intriqués aux autres facteurs de risque, sociologiques, biologiques, le défaut d’accès aux soins, etc.) pèse sur la période périnatale de façon générale . En France, la période de la grossesse est une période à haut risque pour les femmes migrantes avec une surreprésentation de la morbidité et mortalité périnatale pour elles et leurs enfants.
La fréquence de la dépression périnatale est très importante, particulièrement associée aux conditions de vie, au défaut d’hébergement .
- Des études montrent la surreprésentation des enfants de migrants dans les troubles du spectre autistique, dont l’évolution est favorable en cas de prise en charge adaptée. Cette constatation est en rapport avec les défis vécus par les familles, dont l’accumulation de stress .
Nous noterons aussi le risque de transmission traumatique de la mère à l’enfant, qui peuvent affecter les enfants, voire la famille dans son entier .
-Enfin, les enfants eux-mêmes sont sensibles à l’ostracisme social et à un environnement social délétère qui génère des douleurs psychiques et retentissent sur leur développement : enfants dans la rue (3000 actuellement selon l’UNICEF) et par défaut d’espace dans les hébergements précaires dont des hôtels parfois insalubres.
Un fait divers montre bien comment la vulnérabilité des mères en rapport avec le contexte social et environnemental pèse sur celle de leur enfant jusqu’à leur possible décès : « Un bébé de 3 mois est décédé des suites d’une intoxication au monoxyde de carbone à Armentières. Privée de droits dans l’attente du renouvellement de son titre de séjour, sa maman avait tenté de chauffer leur logement avec un brasero »
Conclusion
Cette liste morbide voire macabre des effets psychiques des violences genrées, est observée cliniquement dans nos consultations et confirmée par des articles.
Cependant, la reconnaissance des violences faites aux femmes n’est pas encore bien connue, ni très ancrée dans les politiques publiques, la diplomatie et toutes les gouvernances nationales et internationales.
En France, les femmes migrantes victimes de violences genrées sont mal protégées administrativement et socialement. Il en résulte que la vie à la rue, l’hébergement instable ne sont plus des situations marginales. Selon l’UNICEF jusqu’à 3000 enfants seraient à la rue, dont la plupart des enfants migrants avec leur famille, souvent leur mère.
Il en résulte des atteintes physiques, psychiques sur la santé des femmes et sur la période périnatale, cruelles et révoltantes.
Les outils féministes d’analyse qui permettent de mieux soigner (partie co écrite avec Sarah Daniel)
Le constat accablant des violences genrées et de leurs effets globaux et psychiques sur les femmes migrantes appelle des outils d’analyse trouvés dans la littérature féministe. Ainsi, l’analyse intersectionnelle permet la compréhension de l’intrication des dominations.
Les femmes en exil que nous accompagnons se trouvent à l’intersection de plusieurs dominations, conjoncture qui est conceptualisée en tant que intersectionnalité des oppressions de sexe, classe et « race » par Kimberlé Crenshaw .
En effet, elles subissent de multiples violences pour le fait d’être femmes, d’être migrantes et d’être issues d’un groupe social, culturel, religieux ou politique spécifique.
C’est pourquoi l’approche de notre équipe est de prendre en compte la multiplicité des violences dans leurs types (conjugale, sociale, politique, administrative, institutionnelle, économique, symbolique, sorcellaire…) et dans leurs formes (psychologique, cognitive, émotionnelle, physique, sexuelle, spirituelle, …). Il s’agit de les considérer également dans leur historicité, c’est-à-dire identifier leur émergence (bien souvent depuis l’enfance) et leur répétition tout le long de leur vie ainsi qu’au cours de leur parcours migratoire. Elles sont abordées en tant que continuum migratoire des violences .
A chaque dimension de domination qui exerce de la violence, diverse en termes de manifestation, de temps et d’espace, l’emprise s’installe, se complexifie et se renforce chaque fois un peu plus. Le durcissement des lois relatives à la protection des personnes migrantes et exilées aggrave ce continuum de l’emprise, car les femmes rencontrent d’énormes obstacles pour faire valoir leur droit et leur statut de victimes, et cela autant pour des violences conjugales que pour des violences politiques. Par exemple, faute de reconnaissance et de protection, il est encore plus difficile pour elles de quitter leur compagnon violent ou de dénoncer les agresseurs, et d’autant plus si ces derniers jouissent d’une impunité politique.
L’introduction de la « culture » auprès des femmes et dès la naissance de leur bébé est une façon de prendre soin, c’est développer une attitude, une philosophie et une politique de la vie : le care. Le care, le prendre soin, est une pratique féminine, du fait de l’implication historique et universelle des femmes dans la petite enfance (mais aussi auprès des personnes âgées et des malades) que nous voudrions féministe, les hommes étant appelés à rejoindre cette éthique.
Se préoccuper de la vulnérabilité des plus faibles, lutter contre son aggravation, par des actions combinées de différents acteurs dont l’institution publique, produit du care.
Le care permet de définir une préoccupation de l’autre, quel qu’il soit, et en l’occurrence des bébés d’ici et d’ailleurs, nos prochains. C’est une attitude qui nous aide à faire face au désordre du monde, et particulièrement ne pas considérer l’autre, notre prochain/lointain comme un danger. C’est aussi lutter contre les rapports de domination destructeurs.
Des concepts psychologiques, tenant compte de l’articulation de la psychothérapie à d’autres théories : féministes, psychotraumatiques, anthropologiques, géopolitiques
Il est donc indispensable d’utiliser des concepts, propres à comprendre la souffrance psychique et également les formes de lutte mobilisées pour y faire face. J’en déclinerai quelques-uns.
-Emprise : être sous emprise désigne les effets d’anéantissement et de dépersonnalisation, de sidération de la faculté de sentir, de penser par soi-même. La pratique professionnelle et la clinique de la consultation transculturelle auprès de personnes en migration et en exil, nous a permis d’identifier que l’emprise et la violence sont deux mécanismes étroitement liés, leur lien étant substantif et synergique : c’est dans l’exécution de la violence que s’instaure l’emprise, mais c’est également au sein d’une relation d’emprise que la violence émerge. La violence est à la fois l’usage de la force pour contraindre autrui voire lui nuire, mais aussi le moyen de vider autrui de sa force vitale pour le dominer, voire le tuer.
L’emprise induit une effraction psychique pouvant aller jusqu’à la perte de l’identité de la victime.
Dans les paroles des femmes victimes de violences reçues en consultation, l’emprise permet de comprendre pourquoi l’accompagnement d’une femme victime est ardu, pavé de silences, d’empêchement de la pensée et de répétitions. L’effraction psychique due à cette emprise durable a deux dimensions imminemment destructrices et profondément ancrées : l’intentionnalité de l’agresseur et la dimension collective qui la renforce.
-Agency et l’endurance : A travers la mise en mots et en récits des événements traumatiques vécus, l’objectif est de remettre du sens à ces événements, de retisser des liens entre les récits et les émotions, les souvenirs, les corps, de favoriser le lien social-familial ; il s’agit également d’atténuer leur souffrance et de mettre en place des processus de déprise vis-à-vis des agresseurs.
L'agentivité est l'adaptation du terme anglais « agency », terme utilisé notamment au Canada, décrivant la faculté d'action d'un être, sa capacité à agir sur le monde et les autres, à les transformer ou les influencer. Par de multiples engagements et actions, les femmes sont capables d’agency.
L’endurance : Il renvoie à la capacité du sujet à s’adapter et à s’ajuster quelle que soit la situation qui se présente à lui. Le verbe « endurer » peut signifier « supporter » ou « tolérer » et traduit toujours une force, une vitalité et une énergie chez le sujet.
Elle permet de différer le but d’un projet ou d’un désir : ce qui ne peut se faire aujourd’hui se fera plus tard, ou avec ses enfants. Ce processus n’est cependant possible que si on n’a pas perdu les valeurs qui permettent de le soutenir : la confiance en autrui pour accepter une aide, la projection possible dans l’avenir émaillé d’incertitude, des capacités d’introspection et de spiritualité.
En conclusion
La psychothérapie transculturelle que nous pratiquons doit être accompagnée par un suivi social et administratif, car les femmes sont souvent exposées à une masse de problèmes sociaux. Le soin psychique doit également être complété par des orientations vers des activités culturelles et sociales rompant l’isolement qui aggrave les symptômes psychiques. Ainsi, les consultations se font avec des interprètes formé.es. Elles permettent, outre le recueil de la souffrance psychique, d’évaluer le contexte de vie, le retentissement du continuum de violences sur la santé psychique et périnatale, de s’assurer de l’accès aux soins et aux droits.
Le continuum des violences migratoires, le fort désir d’autonomie des femmes, l’accueil difficile de leurs bébés, la culture comme levier sont autant de thème pour bien comprendre pour bien accueillir et soigner.
Des lieux de culture - la culture pensée comme débutant avec la vie et jaillissant au sein des échanges avec le bébé, entre nous, la culture pensée également comme nourriture essentielle à notre santé, la culture pensée comme histoire de nos arts, etc.- peuvent être des lieux de résistance contre l’exclusion des exilé.es.
Ces lieux cependant ne peuvent être décrétés, ils doivent avoir les ingrédients qui permettent d’accueillir les plus faibles, les plus marginalisé.es, le plus vulnérables, celui.celle qui ne parle pas bien notre langue, qui demande à connaître nos façons de faire pour vivre ensemble.
Ces lieux se construisent grâce aux professionnel.les, celleux de la petite enfance notamment, et les artistes. Ils incluent des objets, des images, des livres, des musiques, des médiations dont des interprètes, invitant à l’échange de tous entre tous. Ce sont des lieux de solidarité et de partage où les bébés se sentent vivants avec leurs parents. Ils brisent l’isolement, le véritable poison de l’exclusion, permettent l’agrandissement de l’être et l’assurance d’avoir de la valeur. Ils assurent aussi un devenir pour notre société, où le care serait une valeur centrale.
Le tiers instruit que nous sommes.
Chaque professionnel.le doit d’avoir une réflexivité sur la culture que nous portons pour ne pas qu’elle soit une évidence pour autrui.
Le tiers instruit (du philosophe Michel Serre) a une position réflexive sur lui-même par la façon dont lui-même a été construit et cultivé par ses apprentissages de toute sorte, professionnels compris, comment il a été façonné, et quelles ruptures il a dû subir pour s’ouvrir et apprendre. C’est la perception du métissage en soi.
Cette position conditionne l’ouverture à l’autre, à la nouveauté, et à la créativité. C’est se mettre en position de tiers, excluant un face-à-face appauvrissant avec un autre, obligeant à des oppositions stériles dont la fameuse universel/particulier. (L’universel passe par le singulier).
Une position de face-à-face, qui oblige à une alternative de succès et d’échecs, de protocoles abusifs et parfois violents ou inefficaces.
Cette position allie un savoir positif (le sien universitaire, de formation, etc.) à une expérience puisée dans une relation, un vécu, des affects, etc. C’est une position forte (je sais ce que je suis et ce dont je suis porteur) et instable (si je me laisse aller à l’expérience je suis vulnérable)
C’est aussi accepter un autre tiers (je pense à la présence de l’interprète)
Le tiers instruit est un métis, qui crée de l’hybridation de savoirs, de pratiques. Il ne renonce pas à influencer l’autre, tout en acceptant la surprise et l’étonnement de la découverte d’autrui, de ses pratiques, de sa langue, de son habitus, mais aussi de son parcours, ses douleurs.
C’est ce que nous apprenons auprès des femmes exilées.
Commentaires
Enregistrer un commentaire